
Le château d’Hérouville, studio mythique et refuge musical
Le château d’Hérouville, studio d’enregistrement résidentiel dans le Val-d’Oise, a accueilli dans les années 70 des artistes majeurs comme Bowie, Elton John, Iggy Pop ou Pink Floyd. Pensé par le compositeur Michel Magne, cet endroit unique proposait une immersion totale dans la création musicale. Plusieurs albums cultes y sont nés. Aujourd’hui, il incarne toujours un lien vivant et créatif, un symbole d’une époque qui a marqué l’histoire de la musique. Pour comprendre ce qui rend ce château si mythique, il faut revenir sur le projet de Magne. Sur l’ambiance qui y régnait, les disques enregistrés ici et la mémoire encore vive du lieu.
Le château d’Hérouville, bien plus qu’un studio résidentiel
Avant d’accueillir des musiciens, le château d’Hérouville était un manoir du XVIIIe siècle. En 1962, le compositeur Michel Magne en fait sa résidence. Quelques années plus tard, il y installe un studio d’enregistrement, avec une idée simple : permettre aux artistes de vivre et créer sur place, sans contrainte de temps.
À l’époque, la majorité des studios sont urbains, compartimentés, peu propices à l’immersion. Ici, on dort, on mange, on compose et on enregistre dans le même espace. Rapidement, la réputation du lieu dépasse les frontières. Ce n’est pas seulement l’équipement qui attire, mais l’atmosphère : calme, libre, presque hors du temps. À partir de 1970, le lieu s’impose comme un repaire recherché, aussi bien par des groupes français que par des figures internationales.
Michel Magne, compositeur et bâtisseur de studio
À l’origine du château d’Hérouville version studio, il y a Michel Magne. Compositeur reconnu de musiques de films dans les années 60 (notamment pour Audiard, Lautner ou De Broca), il découvre le château par hasard en 1962. Il y voit plus qu’une simple demeure : un espace à habiter, à transformer, à ouvrir à d’autres. L’idée d’un studio résidentiel n’est pas encore formulée, mais l’intuition d’un lieu créatif, lui, est déjà là.
En 1969, il passe à l’action. Il fait installer un espace dédié à l’enregistrement dans les dépendances, fait venir des techniciens, aménage des chambres et des espaces de vie. Très vite, les premiers groupes s’y installent. Magne n’enregistre pas lui-même au château, mais il vit sur place, côtoie les artistes, met à disposition ses réseaux et son hospitalité. Il ne se contente pas de gérer l’ensemble : il crée une atmosphère.Ce qui frappe chez Michel Magne, c’est sa vision. Il ne cherche pas à reproduire le modèle des studios londoniens ou parisiens mais à offrir un cadre où la création peut s’étirer, se vivre sans pression. Dans une époque marquée par l’évolution rapide de la musique, Hérouville devient un refuge créatif, un espace intemporel où de nombreux artistes trouvent une nouvelle forme de liberté. Ce lieu unique s’impose alors comme un laboratoire sonore, à mi-chemin entre maison d’hôtes et lieu d’expérimentation.
Des albums cultes enregistrés entre ces murs
Le retentissement de cet endroit mythique tient aussi à ce qu’il a vu naître. Plusieurs albums cultes sont enregistrés entre ces murs, portés par un climat de création peu commun. Pour beaucoup, travailler ici revient à capter quelque chose de différent, une manière d’enregistrer qui échappe aux cadres habituels. Ce n’est ni une légende ni un effet d’image : les disques produits témoignent d’une recherche de son, mais aussi de liberté dans l’approche.
Entre rock, pop et chanson
David Bowie choisit Hérouville pour enregistrer Pin Ups, un album de reprises en hommage à ses influences. Elton John y trouve un cadre propice à la création. Il y enregistre plusieurs disques, dont Honky Château (clin d’œil direct au château). Pink Floyd, Iggy Pop, Gong, Cat Stevens et les Bee Gees y passent aussi. Michel Jonasz, Catherine Ribeiro ou Eddy Mitchell s’y installent à leur tour, chacun portant une esthétique différente. Ce n’est pas une mode passagère, mais un mouvement de fond.
Une poignée d’albums emblématiques
Parmi les nombreux projets enregistrés sur place, certains disques se détachent par leur résonance et leur portée. D’autres symbolisent une époque et témoignent de la diversité des artistes accueillis, ainsi que des influences croisées.Voici quelques albums qui ont marqué l’histoire de ce lieu, symboles de l’éclectisme musical qui y a régné :
- Honky Château – Elton John (1972)
- Pin Ups – David Bowie (1973)
- Solid Air – John Martyn (1973)
- Gong est mort, vive Gong – Gong (1977)
- Merry Christmas Mr. Lawrence (bande originale) – Ryuichi Sakamoto (1983)
Une mémoire vivante, entre silence et renaissance
Après quinze ans d’activité intense, le château d’Hérouville ferme ses portes au milieu des années 80. Le silence s’installe peu à peu : les sessions s’interrompent et le bâtiment se dégrade. Certains artistes évoquent encore aujourd’hui ce moment comme une forme de rupture. L’expérience Hérouville appartient au passé, mais elle continue d’influencer leur manière de créer.

Pendant longtemps, le château reste inoccupé. Il faudra attendre le début des années 2010 pour qu’un projet de restauration voie le jour. La bâtisse est rénovée, les équipements modernisés, sans effacer la trace des années 70. Depuis, de nouveaux musiciens y reviennent, parfois guidés par le souvenir des artistes qui ont marqué son histoire.
Le château d’Hérouville n’est pas devenu un musée. Il reste un reste un endroit vivant, traversé par les générations. Ce qui se joue ici n’est pas une reconstitution, mais une continuité. Une façon de prolonger une idée simple : faire de la musique autrement, dans un cadre qui laisse le temps et l’espace à ceux qui créent.
Ce qu’il faut retenir
Plus qu’un studio, le château d’Hérouville a été un terrain d’expérience. Un lieu où la musique se fabriquait autrement, dans une relation directe au temps, à l’espace et aux autres. Ce modèle, rare à l’époque, reste inspirant aujourd’hui.
Les disques qui y ont été enregistrés témoignent d’un esprit, d’une manière d’habiter la création. Le château a connu l’oubli, puis le retour discret d’artistes en quête d’un nouveau souffle créatif. Sans nostalgie, mais avec fidélité.Les enregistrements réalisés ici capturent une énergie unique, qui reste présente même après le temps qui passe. L’endroit continue de marquer ceux qui viennent y créer.