Mieruba

LE PROJET
Révéler à la face du monde toutes les richesses musicales du Mali, et plus particulièrement la musique de la région du Mandé, berceau des grandes familles de griots, c’est le dessein hautement louable de ce LP The Lost Maestros Collection. Pour perpétuer et transmettre cette histoire musicale ancestrale, The Lost Maestros Collection rassemble 8 merveilles du Mali qui ont su chacun à leur façon faire évoluer cette tradition vers des contrées plus modernes et électrifiées et associe pionniers de la musique mandingue et acteurs de la jeune génération post-indépendance du Mali.

 

INITIATIVE DU LABEL MIERUBA
The Lost Maestros Collection est le fruit de la collaboration entre Deviation Records tout fraîchement créé par Phil Margueron et le label malien indépendant Mieruba qui œuvre depuis 2010 pour que cet âge d’or de la musique mandé ne tombe pas dans l’oubli. Conscient que ces pépites ne sont pas éternelles, Mieruba, basé à Ségou sur les bords du fleuve Niger et capitale de l’ancien royaume Bambara, a entrepris durant huit années la préservation de cet héritage musical en couchant sur bandes ces 16 morceaux au Kôré studio de Ségou ainsi qu’au célèbre studio Bogolan de Bamako.

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ANECDOTE : ORGINE DU NOM MIERUBA

Si vous demandez à des Ségoviens de vous dire qui est celui dont le Centre D’art « Mieruba » porte le nom, vous pouvez être sûr que les jeunes dans leur majorité ne savent rien de cet homme qui a pourtant marqué son temps. Ceux d’un certain âge et qui l’ont connu ou côtoyé vous diront que cela n’est que reconnaissance envers un homme qui a consacré un pan entier de sa vie à la promotion culturelle de Ségou et de la musique Bozo.

A l’état civil, l’homme qui a donné son nom à cet édifice est enregistré sous celui d’Ibrahim Sangouta mais répond aussi au sobriquet de Soufi Ibrahim. Aucune précision sur sa date de naissance. Mais beaucoup s’accordent à la situer vers la fin de la première guerre mondiale, car on lui donnait la soixantaine à sa mort en juin 1978 suite à un accident de la circulation entre Ségou et Markala. D’où vient alors Miéruba (ou Miérubaba) ? Il faut dire qu’il est originaire de Mieru, une bourgade située à environ 5 kilomètres de Ké- Macina. Eu égard au caractère transversal de sa connaissance qui frise l’érudition et à son imposante corpulence, les gens préféraient l’appeler par le sobriquet de Miéruba, c’est-à-dire le Grand de Miéru.

Ceux qui étaient très proches de lui l’appelaient également par un second sobriquet, celui de Faso cèmancè Jiri, (Traduisez : le pilier ou le support de la Nation). Ses contemporains gardent de lui le souvenir d’un musicien bozo hors pair doublé d’un inégalable géomancien dont la conviction était que les connaissances et croyances traditionnelles de l’Afrique devaient en garantir l’émancipation. Musicien, il avait d’abord commencé sa carrière en solo. Doté par la nature d’une voix à nulle autre pareille, du moins selon ses contemporains, il accompagnait ses chansons par le rythme de la calebasse qu’il jouait lui-même avant d’y ajouter plus tard celui du sogolon, (un tam-tam bozo). Ses compositions étaient faites pour l’essentiel en langue bozo et quelquefois en bamanan.

A travers ses chansons, il invitait les pêcheurs Bozos qu’il accompagnait souvent sur le fleuve à cultiver certaines valeurs : le courage, la générosité, le travail, la solidarité pour ne citer que celles-là. Il voyait en ces thèmes et valeurs la solution aux problèmes d’un monde en mutation. Très vite, des gens qui ne comprennent rien à sa langue succombent au charme de sa voix et à la rythmique de sa musique. Dès lors, il est assez souvent invité pour animer des cérémonies de baptême, de circoncision et de mariage et bien d’autres manifestations publiques en dehors de son groupe ethnique. Plus tard, ce sera le Super Biton National, l’inégalable orchestre de Ségou qui fera recours à ses services pour préparer les semaines régionales et les biennales artistiques et culturelles de la jeunesse. Le répertoire bozo de ce grand groupe, plusieurs fois primé au niveau national et à maintes reprises sollicité à l’étranger, est à jamais marqué par la touche de ce grand de la musique locale. Aujourd’hui encore, les chansons de la très adulée Mamou Thiéro sont inspirées pour la plupart des compositions de ce musicien exceptionnel.

Issouf Dicko, Journal Le Ségovien